il a calculé que désormais sa récolte ne sera plus rognée par les prélèvements du seigneur, du décimateur et du roi, qu’elle sera tout entière à lui, à lui seul, et plus les villes crient famine, plus il compte la vendre cher. C’est pourquoi il a labouré, et plus rudement qu’à l’ordinaire ; même il a défriché ; ayant le sol gratis ou presque gratis et peu d’avances à fournir, n’ayant pas d’autre emploi pour ses avances, qui sont ses semences, son fumier, le labeur de ses bêtes et de ses bras, il a ensemencé, récolté, fait du blé à force. Peut-être y aura-t-il disette pour les autres objets de consommation ; il se peut que, par la ruine des autres industries, les étoffes, les souliers, le sucre, le savon, l’huile et la chandelle, le vin et l’eau-de-vie fassent défaut ; il se peut que, par la maladroite transformation de l’agriculture, les denrées de seconde nécessité, la viande, le vin, les liqueurs, le beurre et les œufs deviennent rares. À tout le moins, l’aliment français par excellence est là, sur pied dans les champs ou en gerbes dans les granges ; en 1792, en 1793 et même en 1794[1], il se trouve assez de grains en France pour fournir le pain quotidien à chaque Français.
- ↑ Mallet du Pan, Mémoires, II, 29 (1er février 1794) : « La récolte dernière a été généralement bonne en France, et excellente dans quelques provinces… J’ai vu le relevé des deux recensements faits sur 27 départements : ils emportent un excédent de 15, 20, 30, 35 mille setiers de grain. Il n’y a donc pas disette effective. »
aisance que les classes les plus pauvres, qui sont les plus nombreuses, n’ont pas craint d’augmenter leurs familles, auxquelles elles espéraient léguer un jour des champs et le bonheur. »