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LA RÉVOLUTION


aussi pour les notaires et hommes de loi dépositaires de fonds et gérants de fortunes ; un sans-culotte à pique est dans leur cabinet quand ils font leurs écritures, ou les accompagne dans la rue quand ils vont chez leurs clients. Imaginez l’état d’une étude ou d’un comptoir sous un pareil régime ; le patron liquide au plus vite, comme il peut, ne s’engage plus, réduit ses affaires au minimum. Plus inactifs encore, ses collègues, condamnés à l’oisiveté indéfinie et sous clef dans la prison commune, ne vaquent plus à aucune besogne. — Paralysie générale et totale des organes naturels qui, dans la vie économique, produisent, élaborent, reçoivent, emmagasinent, conservent, échangent et transmettent par grosses masses ; et, par contre-coup, gêne, engorgement, atrophie des petits organes subordonnés, auxquels les grands ne fournissent plus le débouché, l’intermédiaire ou l’aliment.

Le tour des petits est venu ; tout souffrants qu’ils sont, ils fonctionneront comme en temps de santé, et ils fonctionneront de force : avec ses habitudes de logique raide et de prévoyance courte, la Convention porte violemment sur eux ses mains ineptes ; on les foule, on les pressure et on les meurtrit pour les guérir. Défense aux cultivateurs de vendre, sauf au marché, avec obligation pour chacun d’y porter sa quote-part, tant de sacs par semaine, et razzias militaires pour les contraindre à livrer leur quote-part[1] ; ordre aux boutiquiers de « mettre

  1. Décrets des 4 mai, 15, 19, 20, 23 et 30 août 1793. — Décrets des 26 juillet, 15 août, 11 septembre, 29 septembre 1793, et