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LES GOUVERNÉS


« ordinaire ». — Cela fait, et les fruits du travail étant répartis, il ne reste qu’à répartir le travail lui-même. À cet effet, Maignet[1], dans le Vaucluse et dans les Bouches-du-Rhône, prescrit à chaque municipalité de dresser sur-le-champ deux listes, l’une de ses journaliers, l’autre de ses propriétaires : « quand un propriétaire aura besoin de cultivateurs à la journée », il viendra en demander à la municipalité ; celle-ci lui en assignera tant, « selon l’ordre du tableau », avec une carte pour lui et des numéros pour les manœuvres désignés. Deux ans de fers et le pilori pour tout ouvrier qui ne s’est pas fait inscrire au tableau ou qui exige un salaire au-dessus du maximum. Deux ans de fers, le pilori et 300 livres d’amende pour tout propriétaire qui engage un ouvrier non inscrit au tableau ou qui le salarie au-dessus du maximum. — Après cela, il n’y a plus, en pratique, qu’à faire dresser et à tenir à jour les nouveaux registres de noms et de chiffres dans les trente mille municipalités qui ne savent pas compter et qui savent à peine écrire ; à bâtir un vaste grenier public ou à réquisitionner trois ou quatre granges par commune pour y faire pourrir les grains mal séchés et confondus ; à payer 100 000 gardes-magasins et mesureurs incorruptibles qui ne détourneront rien du dépôt pour leurs amis ni pour eux-mêmes ; à joindre aux 35 000 employés de la commission des subsistances[2] 200 000 scribes municipaux qui abandon-

  1. Archives nationales, AF, II, 147 (Arrêté de Maignet, Avignon, 2 prairial).
  2. Moniteur, XXIII, 397 (Discours de Dubois de Crancé, 5 mai