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LA RÉVOLUTION


encore plus allègrement, ils feront leur moisson en juillet 1795. — Mais, d’après le découragement où les avaient plongés quatre mois du système, on peut juger de l’abattement dans lequel ils seraient tombés sous le système indéfiniment maintenu. Très probablement, sur la moitié du territoire, la culture, au bout d’un an ou deux, fût devenue nulle ou improductive. Déjà, sous toutes les exhortations ou menaces, le paysan demeurait inerte, en apparence insensible et sourd, comme une bête de somme surmenée qui, sous les coups, s’entête, ou s’abat et ne bouge plus. Manifestement, il n’eût plus bougé du tout, si Saint-Just, le tenant à la gorge, l’eût garrotté de la tête aux pieds, comme il l’avait fait à Strasbourg, dans les nœuds multipliés de son utopie spartiate ; on aurait vu à quoi se réduit le travail et le rien qu’il produit quand il est exécuté par des manœuvres de l’État, par des mannequins administratifs, par des automates humanitaires. L’expérience avait été faite en Chine au onzième siècle, et selon les principes, longtemps, régulièrement, par la main de l’État omnipotent et bien outillé, sur les hommes les plus laborieux et les plus sobres du monde, et ces hommes étaient morts, par myriades, comme des mouches. Si les Français, à la fin de 1794 et pendant les années suivantes, ne sont pas morts comme des mouches, c’est que le régime jacobin s’est détendu trop tôt.