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LA FIN DU GOUVERNEMENT RÉVOLUTIONNAIRE


des bras excellents, habitués à frapper fort et sans crier gare, surtout quand il s’agit d’assommer ou d’éventrer les honnêtes gens. — Plus l’opinion publique se prononce contre le gouvernement, plus le gouvernement se rejette vers les hommes à gourdins et à piques, vers les gens sans aveu, « expulsés des assemblées primaires », héros du 2 septembre et du 31 mai, nomades dangereux, reclus de Bicêtre, sicaires sans emploi, tape-dur des Quinze-Vingts et du faubourg Saint-Antoine[1]. À la fin, le 11 vendémiaire an III, il en ramasse quinze à dix-huit cents, qu’il arme et forme en bataillons[2] : ce sont si bien des brigands que, le lendemain, Menou, « général en chef de l’armée de l’intérieur et commandant de la force armée de Paris », vient, avec plusieurs officiers de son état-major, annoncer à la Commission des Cinq

  1. Mallet du Pan, Correspondance avec la cour de Vienne, I, 259, 264 et 321 (Lettre du 26 septembre 1795) : « Les plus infâmes Terroristes ont été élargis ; on a même fait échapper ceux qui étaient détenus au château de Ham. On les appelle de tous les coins du royaume ; on en fait même arriver de l’étranger, de l’Allemagne, de Belgique, de Savoie, de Genève. À mesure… qu’ils entrent dans Paris, on leur donne des chefs, et on les organise. Le 11 et le 12 septembre, ils commençaient à se grouper publiquement et à menacer. J’ai la preuve que des émissaires sont chargés de les recruter dans tous les lieux dont je viens de parler, et de payer leur voyage jusqu’à la capitale. »
  2. Buchez et Roux, XXXVII, 36, 49 (Rapports de Merlin de Douai et de Barras sur le 13 Vendémiaire). — Thibaudeau, Histoire de la Convention et du Directoire, I, 209. — Fabre de l’Aude, Histoire secrète du Directoire, I, 10 : « La Convention fit sortir des prisons 1500 à 1800 Jacobins forcenés, séides des anciens membres du Comité de Salut public ». — Mallet du Pan (ib., I, 332, 337, 361) estime à 3000 le nombre des Terroristes enrégimentés.