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LA RÉVOLUTION


en France à travers l’exécration universelle, et qui, partout sur son passage, à Orléans, Tours, Poitiers, Niort, a failli être déchiré par le peuple, Barère n’est pas expédié à la Guyane ; on tolère qu’il s’échappe, se cache et vive tranquille à Bordeaux. Bien mieux, des conventionnels de la pire espèce, comme Monestier et Foussedoire, rentrent dans leur département natal, pour y gouverner en qualité de commissaires du gouvernement.

Considérez l’effet de ces élargissements et de ces nominations dans une ville qui, comme Blois, a vu les assassins à l’œuvre, et qui depuis deux mois suit leur procès[1]. — Sept d’entre eux, membres des comités révolutionnaires, commandants de la force armée, membres du district ou du département, agents nationaux dans l’Indre-et-Loire, chargés de conduire ou recevoir une colonne de 800 laboureurs, paysannes, prêtres et suspects, en ont fait fusiller, sabrer, noyer et assommer en chemin près de 600, non pour se défendre contre eux ou pour les empêcher de fuir, car ces pauvres gens, liés deux à deux, marchaient comme des moutons sans proférer un murmure, mais pour donner un bel exemple révolutionnaire, pour maintenir leurs administrés par la terreur, pour se garnir les poches[2]. Une enquête minu-

  1. Dufort de Cheverny (Mémoires manuscrits communiqués par M. Robert de Crèvecœur). — Rapport de l’accusateur public, en date du 13 thermidor an III, d’après les pièces et procédures remises le 16 messidor par le directeur du jury d’accusation, par les juges de paix de Chinon, Saumur, Tours, Amboise, Blois, Beaugency, etc., sur la dénonciation des administrateurs du département de Loir-et-Cher, en date du 30 frimaire an II, à propos de la fusillade exécutée à Blois le 19 frimaire an II.
  2. De Saumur à Montsoreau, on pouvait suivre le convoi par les