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LA RÉVOLUTION


la main, a forcé le supérieur de son ancien couvent à lui livrer le trésor de la communauté ; Giot, jadis officier de la bouche chez Monsieur, puis juge dans les massacres de Septembre, puis commissaire à l’armée des Pyrénées et pillard en Espagne, puis secrétaire au tribunal de Melun dont il a volé la caisse ; d’autres encore, nomades et déclassés du même acabit, la plupart buveurs et faiseurs de ripailles, un ex-maître d’école, un ex-coiffeur de femmes, un ex-porte-chaise : ce sont tous ces drôles que le gouvernement choisit pour agents, et, sous de nouveaux titres, ils reprennent leurs anciennes places. À la tête de la force armée est le général Bonnard, qui mène une fille avec lui et passe son temps en orgies, picoreur en tout genre et fripon si éhonté que, trois mois plus tard, il sera condamné à six ans de fers[1] ; dès son arrivée, il a organisé à Blois « une garde soldée, composée de tous les plus abjects Jacobins ». — Ailleurs, comme ici[2], c’est bien le personnel de la Terreur, ce sont les petits potentats déchus après Thermidor, c’est la bohème politique qui

  1. Dufort de Cheverny, Mémoires (mars 1796) : « Cependant les jeunes gens de la réquisition se cachaient ; Bonnard les faisait payer et, malgré cela, les faisait partir. Baillon, commissaire des guerres, nous conta qu’il avait payé à Bonnard 900 000 livres en assignats en douze jours, et 1 400 000 en vingt jours ; sur le mémoire, il y avait pour 35 000 livres de plumes, canifs, encre et papier. »
  2. Mallet du Pan, Correspondance avec la cour de Vienne, I, 383 (Lettre du 13 décembre 1795) : « Le Directoire continue à placer les Terroristes dans les emplois de confiance. Les agents du gouvernement cassent arbitrairement les autorités constituées dans les départements, et les remplacent par des Jacobins. »