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LA FIN DU GOUVERNEMENT RÉVOLUTIONNAIRE


Les contemporains estiment que 200 000 personnes sont atteintes par la loi[1] ; le Directoire, pendant les trois mois qu’il lui reste à vivre, l’applique à dix-sept départements ; des milliers de femmes et de vieillards sont arrêtés, détenus, ruinés, plusieurs acheminés vers Cayenne, et cela s’appelle le respect des droits de l’homme.

VIII

D’après le régime que les Fructidoriens établissent en France, on peut juger du régime qu’ils importent à l’étranger : toujours le même contraste entre le nom et la chose, les mêmes phrases pour recouvrir les mêmes méfaits, et, sous des proclamations de liberté, l’institution du brigandage. — Sans doute, dans telle province envahie qui passe ainsi d’un despotisme ancien à un despotisme nouveau, les beaux mots bien débités font d’abord leur effet ; mais, au bout de quelques semaines ou de quelques mois, les habitants, rançonnés, enrôlés, francisés de force, s’aperçoivent que le droit révolutionnaire est encore plus oppressif, plus persécuteur et plus rapace que le droit divin.

C’est le droit du plus fort ; les Jacobins régnants n’en connaissent point d’autre, hors de chez eux comme à domicile, et, dans l’emploi qu’ils en font, ils ne sont pas retenus, comme les hommes d’État ordinaires, par l’intérêt bien entendu de l’État, par l’expérience et la tradition, par les vues à longue portée, par le calcul des

  1. Baron de Garante, Histoire du Directoire, III, 456.