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LA FIN DU GOUVERNEMENT RÉVOLUTIONNAIRE


le patrimoine, il regagne le soldat. — De toute façon il remplit ses coffres et ses cadres, et la faction, bien pourvue d’hommes, peut continuer son exploitation de l’Europe, dépenser à cette opération autant de vies françaises qu’il lui en faut. Il lui en faut plus de cent mille par an ; avec celles qu’a dépensées la Convention, cela fera, en huit ans, près de neuf cent mille[1] ; en ce moment, les cinq directeurs et leurs suppôts achèvent de faucher la population adulte et virile, la fleur et la

  1. M. Léonce de Lavergne (Économie rurale de la France depuis 1789, 38) évalue à 1 million le nombre des Français morts par la guerre, de 1792 à 1800. — « Des administrateurs, dignes de crédit et entre les mains desquels avaient passé, il y a un an, les relevés des bureaux de la guerre, m’ont certifié que le maximum des levées en 1794 et jusqu’au milieu de 1795 avait atteint 900 000 hommes, dont 650 000 ont péri par les combats, dans les hôpitaux et par la désertion. » (Mallet du Pan, n° du 10 décembre 1798). — (Ib., n° du 10 mars 1799) : « Dumas affirma, dans le Corps législatif, que la garde nationale avait renouvelé trois fois les bataillons des défenseurs de la patrie… Un fait avéré est l’indigne administration des hôpitaux où, de l’aveu des généraux, des commissaires et des députés, les soldats périssaient, faute d’aliments et de remèdes. Si on ajoute la prodigalité avec laquelle les conducteurs de ces armées faisaient tuer les hommes, on concevra fort bien ce triple renouvellement dans un espace de sept années. » — Tel village, qui contenait 450 habitants en 1789, a fourni en quinze mois (1792 et 1793) 50 soldats. (Histoire du village de Croissy, Seine-et-Oise, pendant la Révolution, par Campenon.) — La Vendée a été un trou sans fond, comme plus tard l’Espagne et la Russie. « Un bon républicain, chargé pendant quinze mois des approvisionnements de l’armée de la Vendée, m’a protesté que, sur 200 000 hommes qu’il avait vus se précipiter dans ce gouffre, il n’en était pas sorti plus de 10 000. » (Meissner, Voyage à Paris, 338, derniers mois de 1795.) — Les chiffres suivants (Statistiques des préfets, de l’an IX à l’an XI) sont précis. Huit départements (Doubs, Ain, Eure, Meurthe, Aisne, Aude, Drôme, Moselle) donnent le chiffre total de leurs volontaires, réquisitionnâmes et conscrits, qui est