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NAPOLÉON BONAPARTE


« dorés dont on venait d’orner les palais des Tuileries et de Saint-Cloud. »

Pour qu’une machine fonctionne bien, il faut que le machiniste ait soin de la remonter souvent, et celui-ci n’y manque pas, surtout après une absence. Pendant qu’il revient de Tilsitt, « chacun fait avec anxiété[1] son examen de conscience, cherchant sur quelle portion de sa conduite le maître sévère pourra, à son retour, exprimer son mécontentement. Épouse, famille, grands dignitaires, chacun éprouvait plus ou moins cette angoisse, et l’Impératrice, qui le connaissait mieux qu’un autre, disait naïvement : « L’Empereur est si heureux qu’il va sûrement beaucoup gronder. » Effectivement, à peine revenu, il donne son tour de clé, fort et rude ; puis, « satisfait d’avoir imprimé cette petite terreur, il paraît avoir oublié ce qui s’est passé et reprend son train de vie ordinaire ». — « Par calcul et par goût[2], il ne se détend jamais de sa royauté. » — De là une cour froide et muette, plutôt triste que digne ; sur tous les visages, une expression d’inquiétude,… un silence terne et contraint. » À Fontainebleau, « parmi les magnificences et les plaisirs », nul agrément ou jouissance réelle, pas même pour lui. — « Je vous plains, disait M. de Talleyrand à M. de Rémusat : il vous faut amuser l’inamusable. » Au théâtre, il rêve ou bâille : défense d’applaudir ; devant le défilé « des éternelles tragédies, la cour s’ennuie mortellement,… les

  1. Mme de Rémusat, III, 169.
  2. Ib., II, 32, 223, 240, 259 ; III, 169.