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NAPOLÉON BONAPARTE


« sonne ? Qu’il donne le commandement de la Finlande à Armfeld, je ne dirai rien ; mais l’approcher de sa personne, fi donc !… Quelle superbe perspective avait l’empereur Alexandre à Tilsitt, et surtout à Erfurt !… Il a gâté le plus beau règne qui ait jamais été en Russie… Comment admettre dans sa société un Stein, un Armfeld, un Vinzingerode ? Dites à l’empereur Alexandre que, puisqu’il rassemble autour de lui mes ennemis personnels, cela veut dire qu’il veut me faire injure personnellement, et que, par conséquent, je dois lui faire la même chose : je chasserai de l’Allemagne toute sa parenté de Baden, de Wurtemberg et de Weimar ; qu’il leur prépare un asile en Russie ! » — Remarquez ce qu’il entend par injure personnelle[1], ce qu’il compte venger par les pires représailles, à quel excès monte son ingérence, comment il entre dans le cabinet des souverains étrangers, de force et avec effraction, pour chasser leurs conseillers et gouverner leur conseil : tel le sénat romain avec un Antiochus ou un Prusias ; tel un résident anglais auprès

  1. Stanislas de Girardin, Mémoires, III, 249 (Réception du 12 nivôse an X). Le Premier Consul dit aux sénateurs : « Citoyens, je vous préviens que je regarderais la nomination de Daunou au Sénat comme une injure personnelle, et vous savez que je n’en ai jamais souffert aucune. » — Correspondance de Napoléon Ier (Lettre du 23 septembre 1809 à M. de Champagny) : « L’empereur François m’a écrit des injures quand il m’a dit que je ne lui cède rien, quand, à sa considération, j’ai réduit mes demandes à près de moitié. » (Au lieu de 2 750 000 sujets autrichiens, il n’en demandait plus que 1 600 000). — Rœderer, III, 377 (24 janvier 1801) : « Il faut que le peuple français me souffre avec mes défauts, s’il trouve en moi quelques avantages ; mon défaut est de ne pouvoir supporter les injures. »