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NAPOLÉON BONAPARTE


« lien dans le conclave l’emporta sur le parti autrichien, en ajoutant aux raisons politiques cette petite considération d’amour-propre national : Après tout, c’est une famille italienne que nous imposons aux barbares pour les gouverner ; nous serons vengés des Gaulois. » Mot significatif, qui ouvre un jour sur les profondeurs de l’âme italienne, fille aînée de la civilisation moderne, imbue de son droit d’aînesse, obstinée dans sa rancune contre les Transalpins, héritière haineuse de l’orgueil romain et du patriotisme antique[1]. — De Sarzana, un Bonaparte vient s’établir en Corse, et y habite dès 1529 ; l’année d’après, Florence est prise, domptée, soumise à demeure ; à partir de ce jour, en Toscane sous Alexandre de Médicis, puis sous Cosme Ier et ses successeurs, dans toute l’Italie sous la domination espagnole, l’indépendance municipale, les guerres privées, le grand jeu des aventures politiques et des usurpations heureuses, le régime des principats éphémères fondés sur la force et sur la fraude, font place à la compression permanente, à la discipline monarchique, à la régularité extérieure, à une paix publique telle quelle. Ainsi, juste au moment où l’énergie, l’ambition, la forte et libre sève du moyen âge commence à décroître, puis à tarir dans la tige mère qui s’étiole[2], une petite bran-

  1. Correspondance de l’empereur Napoléon Ier (Lettre de Bonaparte, 29 septembre 1797, à propos de l’Italie) : « Un peuple foncièrement ennemi des Français, par préjugés, par l’habitude des siècles, par caractère. »
  2. Miot de Melito, I, 123 (1796) : « Depuis deux siècles et demi, Florence avait perdu cette antique énergie qui, dans les temps orageux de la république, distingua cette noble cité. L’esprit