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LE RÉGIME MODERNE


« France ». À huit heures un quart, M. de Metternich est chez le tsar, et à huit heures et demie chez le roi de Prusse ; tous les deux, à l’instant, répondent de même. « À neuf heures, dit M. de Metternich, j’étais rentré. À dix heures, des aides de camp couraient déjà dans toutes les directions, pour faire faire halte aux corps d’armée… C’est ainsi que la guerre fut déclarée en moins d’une heure. »

VI

D’autres chefs d’État ont aussi passé leur vie à violenter les hommes ; mais c’était en vue d’une œuvre viable et pour un intérêt national. Ce qu’ils appelaient le bien public n’était pas un fantôme de leur cerveau, un poème chimérique, fabriqué en eux par le tour de leur imagination, par leurs passions personnelles, par leur ambition et leur orgueil propres. En dehors d’eux et de leur rêve, il y avait pour eux une chose réelle, solide et d’importance supérieure, à savoir l’État, le corps social, le vaste organisme qui dure indéfiniment par la série continue des générations solidaires. Quand ils saignaient la génération présente, c’était au profit des générations futures, pour les préserver de la guerre civile ou de la domination étrangère[1]. Le plus

  1. Paroles de Richelieu au lit de mort : « Voici mon juge, dit-il en montrant l’hostie, mon juge qui prononcera bientôt ma sentence. Je le prie de me condamner si, dans mon ministère, je me suis proposé autre chose que le bien de la religion et l’État. »