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FORMATION ET CARACTÈRES DU NOUVEL ÉTAT


on lui donnait deux adjoints avec le même titre que le sien ; mais ils n’étaient là que pour la montre, simples greffiers consultants, subalternes et serviteurs, dépourvus de tout droit, sauf celui de signer après lui et « d’inscrire leur nom au procès-verbal » de ses arrêtés ; seul il commandait ; « seul il avait voix délibérative ; il nommait seul à toutes les places », en sorte qu’ils étaient déjà des sujets, comme il était déjà le souverain.

VI

Restait à constituer un pouvoir législatif, qui fît contrepoids à ce pouvoir exécutif si concentré et si fort.

Dans les sociétés organisées et à peu près saines, on y parvient au moyen d’un parlement élu qui représente la volonté publique ; il la représente, parce qu’il en est la copie en petit, la réduction fidèle : sa composition fait de lui le résumé loyal et proportionnel des diverses opinions régnantes. En ce cas, le triage électoral a opéré correctement ; un droit supérieur, le droit d’élire, a été respecté : en d’autres termes, les passions en jeu n’ont pas été trop fortes ; c’est que les intérêts majeurs n’étaient pas trop divergents. — Par malheur, dans la France désagrégée et discordante, tous les intérêts majeurs étaient en conflit aigu ; c’est pourquoi les passions en jeu étaient furieuses ; elles ne respectaient aucun droit,

    « Les circonstances étaient telles, qu’il fallait encore déguiser la magistrature unique du président. » — Cf. la Constitution du 22 frimaire an VIII, titre iv, articles 4 et 42.


  le régime moderne, i.
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