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FORMATION ET CARACTÈRES DU NOUVEL ÉTAT


l’ordre littéraire. — À quelle famille d’œuvres elle appartient. — Dans l’ordre politique et social, elle est le chef-d’œuvre moderne de l’esprit classique. — V. Son analogue dans le monde antique. — L’État romain, de Dioclétien à Constantin. — Causes et portée de cette analogie. — Survivance de l’idée romaine dans l’esprit de Napoléon. — Le nouvel Empire d’Occident.

I

Par malheur, à la fin du XVIIIe siècle, le pli était pris en France, et c’était le mauvais pli. Depuis trois siècles et davantage, la puissance publique n’avait pas cessé de violenter et de déconsidérer les corps spontanés. — Tantôt elle les avait mutilés et décapités : ainsi, sur les trois quarts du territoire, dans tous les pays d’élection, elle avait supprimé les États provinciaux ; de l’ancienne province, il ne restait qu’une circonscription administrative et un nom. — Tantôt, sans mutiler le corps, elle l’avait énervé et déformé, ou disloqué et désarticulé. Ainsi, dans les villes, par le remaniement des vieilles constitutions démocratiques, par le resserrement du droit électoral, par la vente réitérée des offices municipaux[1], elle avait livré toute l’autorité municipale à une étroite oligarchie de familles bourgeoises, privilégiées aux dépens du contribuable, à demi détachées du gros public, mal vues du petit peuple, et que la déférence ou la confiance de la communauté ne soutenait plus[2]. Ainsi, dans la paroisse et le canton rural, elle

  1. Tocqueville, l’Ancien Régime et la Révolution, 64 et suivantes, 354 et suivantes. — L’Ancien Régime, tome II, 263.
  2. La Révolution, tome III, livre I, notamment 27, 28, 88, 89, 97, 98, 100 à 102.