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LE RÉGIME MODERNE


l’État de se souder les corps comme des rallonges, pour se les approprier en qualité d’appendices et pour se servir d’eux en qualité d’instruments.

II

Là-dessus la théorie était d’accord avec le besoin, et non seulement la théorie récente, mais encore la théorie antique. Bien avant 1789, le droit public avait érigé en dogme et exagéré au delà de toute mesure la prérogative du pouvoir central.

Trois titres la lui conféraient. — Seigneur et suzerain féodal, c’est-à-dire commandant en chef de la grande armée sédentaire dont les pelotons spontanés avaient reconstruit, au IXe siècle, la société humaine, le roi, par la plus lointaine de ses origines, je veux dire par la confusion immémoriale de la souveraineté et de la propriété, était propriétaire de la France[1], comme un particulier l’est de son domaine privé. — Marié de plus et, dès les premiers Capétiens, avec l’Église, sacré à Reims, oint de Dieu comme un David[2], non seule-

  1. Guyot, Répertoire de Jurisprudence (1785), article Roi : « C’est une maxime du droit féodal que la véritable propriété des terres, le domaine, directum dominium, appartient au seigneur dominant ou suzerain. Le domaine utile, ce qui appartient au vassal ou tenancier, ne lui donne véritablement que le droit sur les fruits. »
  2. Luchaire, Histoire des institutions monarchiques de la France sous les premiers Capétiens, I, 28, 46. (Textes de Henri Ier, Philippe Ier, Louis VI et Louis VII.) « Un ministère divin ». — (Les rois sont des) « serviteurs du royaume de Dieu ». — « Ceindre le glaive ecclésiastique pour la punition des méchants. » — « Les