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FORMATION ET CARACTÈRES DU NOUVEL ÉTAT


droit naturel au droit positif[1], à préférer l’équité et la raison à l’antiquité et à la coutume, à restituer la dignité d’homme à la qualité d’homme, à relever la condition de l’esclave, du provincial, du débiteur, du bâtard, de la femme, de l’enfant, et à faire rentrer dans la communauté humaine tous ses membres inférieurs, étrangers ou dégradés, que l’ancienne constitution de la famille et de la cité en avait exclus.

Aussi bien dans l’œuvre politique, législative et juridique qui s’étend de Dioclétien à Constantin et au delà jusqu’après Théodose, Napoléon pouvait trouver d’avance toutes les grandes lignes de la sienne : à la base[2], la souveraineté du peuple ; tous les pouvoirs du peuple délégués sans conditions à un seul homme ; cette omnipotence conférée, en théorie et en apparence, par le

    utpote, cura lege regia, quæ de imperio ejus lata est, populus ei et in eum omne suum imperium et potestatem conferat. Quodcumque igitur imperator per epistolam et subscriptionem statuit, vel cognoscens decrevit, vel de plano interlocutus est, vel edicto præcepit, legis habet vigorem. » (Extraits d’Ulpien.), Gaïus, Institutes, I, 5 : « Quod imperator constituit, non dubium est quin id vicem legis obtineat, quum ipse imperator per legem imperium obtineat. »

  1. Digeste, I, 2 (Extraits d’Ulpien) : « Jus est a justitia appellatum ; nam, ut eleganter Celsus definit, jus est ars boni et æqui. Cujus merito quis nos sacerdotes appellat : justitiam namque colimus, et boni et æqui notitiam profitemur, æquum ab iniquo separantes, licitum ab illicito discernentes,… veram, nisi fallor, philosophiam, non simulatam, affectantes… Juris præcepta sunt hæc : honeste vivere, alterum non lædere, suum cuique tribuere. » — Cf. Duruy, 1e période, ch. LXXXVII.
  2. Sur ce principe immémorial de tout le droit public romain, cf. Fustel de Coulanges, Histoire des institutions politiques de l’ancienne France, t. I, liv. II, chap. I, 66 et suivantes.