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Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 9, 1904.djvu/43

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NAPOLÉON BONAPARTE


intelligence comme sur une roche dure ; seules les vérités mathématiques, les notions positives de la géographie et de l’histoire y ont pénétré et s’y sont gravées. Tout le reste, en lui comme en ses prédécesseurs du xve siècle, lui vient du travail original et direct de ses facultés au contact des hommes et des choses, de son tact rapide et sûr, de son attention infatigable et minutieuse, de ses divinations indéfiniment répétées et rectifiées pendant ses longues heures de solitude et de silence. En toutes choses, c’est par la pratique, non par la spéculation, qu’il s’est instruit ; de même un mécanicien élevé parmi les machines. « Il n’est rien à la guerre, dit-il, que je ne puisse faire par moi-même[1]. S’il n’y a personne pour faire de la poudre à canon, je sais en fabriquer ; des affûts, je sais les construire ; s’il faut fondre des canons, je les ferai fondre ; les détails de la manœuvre, s’il faut les enseigner, je les enseignerai. » Voilà comment il s’est trouvé compétent du premier coup, général d’artillerie, général en chef, puis aussitôt diplomate, financier, administrateur en tous les genres. Grâce à cet apprentissage fécond, dès le Consulat il en remontre aux hommes de cabinet, aux anciens ministres qui lui adressent des mémoires. « Je suis plus vieux administrateur qu’eux[2] ; quand on a dû tirer de

  1. Rœderer, III, 544 (6 mars 1809), 563 (23 janvier 1811 et 12 novembre 1813).
  2. Mollien, I, 348 (un peu avant la rupture d’Amiens). — Ib., III, 16. « C’était à la fin de janvier 1809 qu’il voulait qu’on lui rendit compte de la situation complète des finances au 31 décembre 1808…, Ce travail put lui être présenté deux jours après