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LE RÉGIME MODERNE


« sa seule tête les moyens de nourrir, d’entretenir, de contenir, d’animer du même esprit et de la même volonté quelques centaines de mille hommes loin de leur patrie, on a vite appris tous les secrets de l’administration. » Dans chacune des machines humaines qu’il construit et qu’il manie, il aperçoit d’un seul coup toutes les pièces, chacune à sa place et dans son office, les générateurs de la force, les organes de la transmission, les engrenages superposés, les mouvements composants, la vitesse résultante, l’effet final et total, le rendement net ; jamais son regard ne demeure superficiel et sommaire : il plonge dans les angles obscurs et dans les derniers fonds, « par la précision technique de ses questions », avec une lucidité de spécialiste, et de cette façon, pour emprunter un mot des philosophes, l’idée chez lui se trouve adéquate à son objet.

De là son goût pour les détails, car ils font le corps et la substance de l’objet ; la main qui ne les a pas saisis ou qui les lâche ne tient qu’une écorce, une enve-

    sa demande. » — III, 434. « Un bilan complet du trésor public pour les six premiers mois de 1812 était sous les yeux de Napoléon à Witebsk, le 11 août, onze jours après la révolution de ces six premiers mois. — Ce qui est vraiment étonnant, c’est qu’au milieu de tant d’occupations et de préoccupations diverses… il conservât une tradition aussi précise des procédés et des méthodes des administrations dont il voulait inspecter momentanément la situation et la marche. Personne n’avait le prétexte de ne pouvoir répondre ; car chacun n’était interrogé que dans sa langue ; c’est cette singulière aptitude du chef de l’État et la précision technique de ses questions qui seules peuvent expliquer comment il pouvait maintenir un ensemble si remarquable dans un système administratif dont il faisait aboutir à lui les moindres fils. »