Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/100

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tiennent tous les deux à l’histoire et à la science. Parlons donc tout à notre aise de l’un et de l’autre. M. Cousin n’est point mort[1]. À Dieu ne plaise ! mais il est illustre, et je puis le mettre avec ses pareils. Quarante ans de gloire ont épuisé les éloges et les attaques ; quarante ans de travail ont offert aux yeux son esprit sous toutes les faces. Le regard l’embrasse tout entier, et le regard est impartial. Qu’il rédige sa Théodicée, ou qu’il achève l’histoire de Mme de Longueville, il a dès à présent fourni au peintre et au critique tout ce que le peintre et le critique peuvent lui demander. Il n’excite maintenant ni l’enthousiasme ni la colère ; en sa présence, on n’éprouve plus de passion, on ne ressent que de la curiosité. C’est un Père de l’Église, très-connu et très-antique, élevé par la renommée et par le temps au-dessus de l’amour et de la haine ; et la postérité peut commencer pour lui de son vivant. Je voudrais l’étudier tout entier, distinguer et relier en lui le philosophe, l’écrivain, l’orateur et le philologue. Il semble que dans un livre comme celui-ci une telle recherche soit superflue, et pourtant elle ne l’est pas. Comme toutes les productions humaines, les systèmes philosophiques ont leur cause, et ne s’expliquent que par leur milieu. Il faut observer l’homme entier pour

  1. M. Cousin est mort en 1867, et n’a point publié d’autres ouvrages philosophiques que ceux dont il est parlé ici.