Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/135

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a pas de quoi fouetter un laquais. » « L’État, c’est moi, » dit plus tard Louis XIV. « L’État, c’est nous, » pensait la noblesse. Ils passent aux Espagnols, parce que Mazarin leur résiste ; et Condé croit emporter la France dans les plis de son manteau. Notre siècle est peut-être immoral ; croyons-en M. Cousin, puisqu’il le dit ; il est possible que nous n’ayons point la grandeur ni la vertu des héros de la Fronde. À tout le moins, nous avons une idée qui leur manquait, celle de la patrie. Aucune classe aujourd’hui ne regarde l’État comme son domaine propre ; c’est une gloire pour la raison et c’est un progrès de la justice de l’avoir restitué à son légitime propriétaire, à la nation.

Il y a donc du mal comme du bien dans le dix-septième siècle. Sa littérature n’est point le modèle accompli : c’est une certaine littérature, parfaite en quelques genres, imparfaite ailleurs ; c’est le développement d’une faculté régnante, la raison oratoire, et par conséquent c’est le sommeil des autres. Cette société n’est point le chef-d’œuvre de l’histoire : c’est une certaine sorte de société, qui engendre de beaux sentiments en même temps que de laides passions ; c’est une aristocratie qui, perdant son indépendance et quittant la vie guerrière, devient une cour servile et fière sous la main d’un maître, et trouve ses nouveaux plaisirs dans les amusements de l’esprit et dans la vie de salon.