Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/154

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M, Cousin n’aime pas Voltaire et méprise beaucoup Condillac. Faute de ces deux contre-poids, il fut emporté par la métaphysique allemande et se trouva panthéiste, ou très-voisin du panthéisme, sans le savoir peut-être, et bien malgré lui. Il le nie aujourd’hui ; il croit toujours avoir pensé de même ; il a persuadé beaucoup de gens qui ne savent pas la philosophie. Il a tort. Est-ce un si extrême malheur que d’avoir accepté une doctrine grandiose enseignée par de grands génies ? Il la trouve fausse. Y a-t-il de la honte à confesser que l’on s’est trompé ? Craint-il qu’on n’en découvre encore des traces dans ses opinions présentes ? Cela n’est point à craindre. Il est aujourd’hui le plus grand ennemi de la philosophie allemande ; non-seulement il la réfute, mais encore il l’injurie ; et l’on dit que contre les péchés métaphysiques de sa jeunesse il ira bientôt chercher refuge dans le bénitier.

Montrons ce qu’il était en 1828 et même en 1833. Il écrivait alors dans sa seconde préface une petite phrase décisive, si décisive qu’il l’a supprimée dans les dernières éditions, depuis qu’ayant changé de doctrine, il s’est fait horreur à lui-même. Il s’agit du système de Schelling dont il dit[1] : « Selon lui la philosophie doit s’élever d’abord jusqu’à

  1. Fragments philosophiques, 2e préface, p. 39.