Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/164

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était encore ignoré de l’auteur[1]. Il le corrigera pour plus de sûreté, et y joindra, pour l’édification du lecteur, la plus étonnante préface qu’un philosophe ait jamais écrite.

En voici le sens : Je ne suis pas philosophe, je suis prédicateur. Je n’apporte ni une vue nouvelle sur la nature des êtres, ni une vue nouvelle sur la méthode des sciences ; j’apporte une exhortation à la vertu. Ma philosophie n’est pas une ouvrière de science, c’est un instrument de morale. Son but n’est pas de découvrir le vrai, quel qu’il soit, mais de faire des honnêtes gens, quoi qu’il en coûte. « Son caractère est de subordonner les sens à l’esprit, et de tendre, par tous les moyens que la raison avoue, à élever et à agrandir l’homme. » Elle n’est pas seulement une doctrine, elle est « un drapeau.» C’est « une cause sainte, » et il y a bientôt quarante ans que « je combats » pour elle. On la reconnaît en ce qu’elle est « l’alliée naturelle de toutes les bonnes causes. Elle soutient le sentiment religieux, elle seconde l’art véritable, la poésie digne de ce nom, la grande littérature ; elle est l’appui du droit ; elle repousse également la démagogie et la tyrannie ; elle apprend à tous les hommes à se respecter et à s’aimer. » Pour mieux prouver que la science m’est indifférente, et que je ne me soucie que de

  1. C’est en 1818 seulement qu’il connut Schelling.