Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/166

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doctrines nouvelles destinées à régénérer le monde : elles tuent, il est vrai, mais elles ne régénèrent point. N’écoutez pas ces esprits superficiels qui se donnent pour de profonds penseurs, parce qu’après Voltaire, ils ont découvert des difficultés dans le christianisme ; vous, mesurez vos progrès en philosophie par ceux de la tendre vénération que vous ressentirez pour la religion de l’Évangile… Ne fléchissez pas le genou devant la fortune, mais accoutumez-vous à vous incliner devant la loi. Entretenez en vous le noble sentiment du respect ; sachez admirer : ayez le culte des grands hommes et des grandes choses. Repoussez cette littérature énervante, tour à tour grossière et raffinée, qui se complaît dans la peinture des misères de la nature humaine, qui caresse toutes nos faiblesses, qui fait la cour aux sens et à l’imagination, au lieu de parler à l’âme et d’élever la pensée. Défendez-vous de la maladie de votre siècle, ce goût fatal de la vie commode, incompatible avec toute ambition généreuse. Quelque carrière que vous embrassiez, proposez-vous un but élevé, et mettez à son service une constance inébranlable. Sursum corda, tenez en haut votre cœur, voilà toute la philosophie…

Il le dit, du moins. Mais se figure-t-on l’étonnement d’un chimiste, ou d’un naturaliste qui lit ce morceau, surtout si jusqu’ici il a cru (sur parole) que la philosophie est une science ? Il découvre qu’elle est une harangue, moyen de pédagogie et de gouvernement.

Voilà l’orateur rentré dans l’éloquence. Construisons sa philosophie, toute pratique et morale. Sans observer les faits, sans pratiquer d’analyses, on