Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/197

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et d’arriver par des équations à l’équation finale qui est la vérité cherchée. Un esprit élevé dans ces habitudes court droit aux faits sitôt qu’on lui propose une question générale ; il en choisit un particulier et contingent ; il le garde incessamment sous ses yeux ; il sait qu’il n’a pas d’autre moyen de préciser et vérifier ses idées ; il y revient sans cesse ; il sait que ce fait est la source de tous les termes abstraits qu’il va recueillir et combiner. C’est la marche de Condillac dans cette admirable Langue des calculs, que nous ne lisons plus. Si au contraire, comme le veut M. Cousin, la vérité est en Dieu, si les faits particuliers ne sont que l’occasion et l’accident qui tourne nos yeux vers elle, si c’est en Dieu que nous l’apercevons, c’est Dieu qu’il faut contempler pour la connaître. Pour étudier une chose, il faut étudier ce qui la contient. Si l’on est conséquent, on prend à l’instant pour méthode l’extase des Alexandrins. Faute de hardiesse et de logique, M. Cousin ne s’élance pas dans ces aventures. Privé de la méthode que demande sa théorie, il est privé de toute méthode. Faute d’analyser les choses, il n’aperçoit point dans les choses ce que l’analyse y découvre, c’est-à-dire les rapports nécessaires, ni ce que l’analyse en tire, c’est-à-dire les idées des objets infinis. Faute d’analyser les idées, il ne voit pas qu’une proposition nécessaire est un rapport nécessaire, qu’un rapport