Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/201

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bles et sur les platitudes incroyables dont la populace littéraire et philosophique obstrue les œuvres des grands hommes, c’est là une étude si minutieuse, si stérile en conclusions générales et en vérités certaines, qu’il fallait pour l’entreprendre les instincts et les habitudes d’un érudit. Un érudit est un maçon, un philosophe est un architecte ; et quand l’architecte, sans nécessité absolue, au lieu d’inventer des méthodes de construction, s’amuse à tailler, non pas une pierre, mais cinquante, c’est que, sous l’habit d’un architecte, il a les goûts d’un maçon. Vous apercevez ici une des causes et un des caractères de l’histoire de la philosophie, telle que M. Cousin l’a faite. Il a tenté, un instant, de l’écrire en philosophe ; il a voulu trouver les lois des faits, et l’ordre de leur succession ; il a improvisé la fameuse théorie des quatre systèmes, les seuls, disait-il, qui puissent exister, et qu’on retrouve à toutes les époques de la philosophie. Aujourd’hui cette construction a priori est si fort en ruines que personne ne songe plus à la renverser. Faute de pouvoir la rétablir ou la remplacer, il s’est contenté d’exposer les diverses philosophies ; il a publié une foule de documents sur Descartes et son école ; il a retrouvé la dialectique d’Abailard, et raconté les commencements de la scolastique. On l’a imité : depuis Thales jusqu’à Kant, on a exploré toutes les philosophies ; moyen