Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/250

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en Angleterre, si la littérature y a choisi pour objet l’histoire du cœur, la cause en est dans le caractère réfléchi et concentré de la nation.

Une autre force le poussait dans cette voie. Logicien sévère, par nécessité et pour sortir du doute, il trouvait, en cherchant les dépendances mutuelles des questions philosophiques, qu’elles dépendent toutes de la psychologie, et que pour définir le beau, le bien, le vrai, pour conjecturer la cause, l’avenir, le passé, les devoirs et les espérances de l’homme, il faut d’abord observer l’homme. Il ramena ainsi toute la philosophie à la psychologie. Une fois enfermé dans cette enceinte, il ne voulut plus en sortir. Il laissa M. Cousin naviguer dans la métaphysique, refusa de spéculer sur la nature de l’univers, sur la création, sur l’essence de Dieu, n’admit point que la philosophie fût une science universelle, chargée de découvrir le système du monde. M. Cousin, à ce moment, entendait la philosophie à la façon des Allemands et la présentait comme une sorte d’architecte, ayant pour maçons les autres sciences, et occupée à construire un édifice unique avec les pierres qu’elles lui taillent. M. Jouffroy entendit toujours la philosophie à la manière anglaise, et la présenta comme une science particulière, opposée aux sciences physiques, ayant pour objet non le tout, mais un fragment du tout, et restreinte aux phénomènes moraux et spirituels,