Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/256

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une lumière éclatante. Elles attestent que la psychologie peut être une science. Après les Écossais, après Condillac, c’est leur démonstrateur qui l’a fondée.

Ce n’est pas assez d’ouvrir une porte ; il faut franchir le seuil et marcher. M. JoufFroy a marché ; ses auditeurs parlent encore avec admiration de ses analyses. De cette belle anatomie, il ne reste que des pages éparses, une leçon sur la sympathie, les préliminaires du Cours de droit naturel, surtout le Cours d’esthétique. Ce dernier cours, noté au vol et rédigé par un esprit précis[1], surpasse de beaucoup tous les autres. Les longueurs et les abstractions de M. Jouffroy ont disparu. Le style, vraiment digne de la science, est celui d’un mémoire de physiologie. Nulle solennité, nulle emphase. D’ailleurs le lieu et l’auditoire y aidaient ; M. Jouffroy causait dans une chambre, devant vingt personnes, presque tous gens d’esprit. Les gens d’esprit méprisent les ornements ; il faut parler devant eux non comme un livre, mais comme un homme, c’est-à-dire être exact, trouver des idées, noter des faits, ne pas se croire à la Sorbonne, devant un public de jeunes enthousiastes et de vieux badauds. Ici, les descriptions sont faites avec une justesse et un scrupule admirables. M. Jouffroy classe tous les

  1. M, Delorme.