Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/289

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que de l’autre ; mon raisonnement est faux. Comment arracher le déguisement, s’il y en a un ? Je vais faire ce que M. Jouffroy n’a pas fait, analyser le mot douteux au moyen d’exemples ; il n’y a point de terme ambigu qui, sous cette torture, ne découvre sa double face et ne ruine la fiction qu’il soutient.

Je prends un quadrupède, un chien, un bœuf ou tout autre ; je classe les faits que j’y observe, et je trouve qu’ils se réduisent aux groupes suivants : son type persiste, il se nourrit, il se reproduit, il sent, il associe des images, il se meut. Je dis que sa destinée est de persévérer dans son type, de se nourrir, de se reproduire, de sentir, d’associer des images et de se mouvoir. Destinée désigne ici les groupes distincts de faits principaux qui composent un être. Voilà un sens très-naturel et très-net. Peut-être il y en a d’autres ; il nimporte. Suivons toujours celui-ci, et voyons s’il convient aux raisonnements de M. Jouffroy.

« Tout être a une fin ou destinée. » Rien de plus vrai ; il y a toujours dans un être un ou plusieurs faits qui lui sont propres. La pure matière elle-même a les siens ; elle est inerte, et l’on peut dire que sa destinée est l’inertie. Au fond, la proposition est identique. Ce que nous appelons un être, c’est un groupe distinct de faits associés, et il est clair que ce groupe renferme des faits qui