Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/301

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ration. On peut donc dire que la plante tend à se nourrir, et que la nutrition n’est point pour elle un moyen, mais une fin. On peut donc dire que pour la plante la nutrition est un bien.

Prenez tout le groupe des faits principaux, l’intégrité du type, la nutrition, la reproduction. On dira que ces trois faits sont le bien de la plante.

Généralisez : le groupe des faits principaux qui constitue un être est le bien de cet être. Voilà la définition du bien.

Vous voyez qu’il a suffi de prendre un fait très-fréquent et très-visible, un de nos désirs ou tendances. Par une série de combinaisons et de transformations, il a fourni la formule universelle du bien. Une série analogue d’opérations semblables va produire l’ordre mathématique des sentiments moraux.

L’attitude de l’esprit les fait naître ; ils ont pour cause un point de vue ; la conscience n’est qu’une manière de regarder. Regardez un bien en général, et par exemple, prononcez ce jugement universel que la mort est un mal. Si cette maxime vous jette à l’eau pour sauver un homme, vous êtes vertueux.

Les sentiments étant produits par les jugements ont les propriétés des jugements producteurs. Or, le jugement universel surpasse en grandeur le jugement particulier ; donc le sentiment et le motif