Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/331

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cœur, son beau style, son éloquence vraie, son enthousiasme, sa noble conduite, et les protestations politiques que sa philosophie couvre et ne cache pas[1]. La doctrine est impuissante et respectée, souveraine et oubliée, dominante et stagnante. Personne ne voudrait la comparer, comme les anciennes, à un fleuve qui arrose et renverse ; point de bruit, point de mouvement, point d’effet ; c’est une baignoire bien propre, bien reposée et bien tiède, où les pères, par précaution de santé, mettent leurs enfants.

Ceux-ci en sortiront-ils ? Pour cela il faudrait que l’envie de philosopher revînt. Je lui vois deux portes ; il se peut qu’un savant comme Ampère et Geoffroy Saint-Hilaire réunisse les découvertes des sciences positives, forme avec elles un système du monde, et que ces vues d’ensemble s’imposent au public comme la loi d’attraction, ou l’hypothèse du plan animal unique. La chose n’est guère probable ; car la science s’agrandissant chaque jour, chaque jour il devient plus difficile d’être universel, et Humboldt lui-même n’a fait qu’un catalogue des faits acquis. — Il se peut aussi que le goût de l’analyse reparaisse. Si nous redevenons critiques, douteurs, amateurs d’exactitude, exigeants en matière de démonstration, nous examinerons de nouveau

  1. M. Jules Simon.