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passive et de l’attention active que Condillac réunissait toutes deux sous le nom unique de sensation. M. Laromiguière croit que l’impression ou sentiment confus et involontaire qu’on éprouve lorsqu’on voit un objet, diffère de l’idée ou sentiment distinct et volontaire qu’on produit lorsqu’on regarde cet objet[1]. Il pense que dans le premier cas l’âme subit une modification, et que, dans le second, elle fait une action. Il ne veut point admettre une simple capacité passive parmi les facultés ou puissances efficaces, et ne reconnaît de facultés que celles qui correspondent aux différentes classes d’actions. De là naît une théorie ingénieuse, d’une symétrie extrême, si jolie qu’elle met en défiance, mais dont le résumé a la précision d’une formule et l’élégance d’une démonstration.

Le système des facultés de l’âme se compose de deux systèmes, le système des facultés de l’entendement, et le système des facultés de la volonté. Le premier comprend trois facultés particulières : l’attention, la comparaison, le raisonnement. Le second en comprend également trois : le désir, la préférence, la liberté. Comme l’attention est la concentration de l’activité de l’âme sur un objet, afin d’en acquérir l’idée, le désir est la concentration de cette même activité sur un objet, afin d’en obtenir la jouissance. La

  1. Mettez un badaud ancien mercier et un archéologue un peu artiste devant Saint-Germain des Prés : comparez les deux physionomies : le premier a l’impression ; le second, l’idée.