Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/53

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sentatives, sortes d’êtres interposés entre l’esprit et les objets, ayant de la ressemblance avec les objets, présentant à l’esprit l’image des objets, et fournissant à l’esprit, qui ne peut pas sortir de soi ni apercevoir les objets directement et en eux-mêmes, les moyens de les apercevoir indirectement et dans un portrait. M. Royer-Collard regarde cette opinion comme une supposition. Supposition non prouvée : car personne n’a jamais vu de telles idées, et celles que nous découvrons en nous-mêmes, bien loin d’être interposées entre nos pensées et les objets, ne sont que nos pensées elles-mêmes. Supposition inutile : car ne voyant que des portraits, nous ne pouvons savoir si le portrait ressemble à l’original. Supposition contradictoire : car de deux choses l’une : si les idées sont des images matérielles, on ne peut pas admettre des portraits de la solidité, du chaud, de l’odeur et du son ; si elles sont spirituelles, elles ne peuvent ressembler à la matière, ni par conséquent la représenter.

À son avis, la connaissance du monde extérieur se fait ainsi : quand nos nerfs sont ébranlés par un contact extérieur quelconque, nous éprouvons des sensations. Si c’est une sensation du toucher, nous concevons hors de nous la substance solide et étendue, et nous affirmons qu’elle existe, qu’elle existait avant notre sensation, qu’elle continuera