Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/62

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présentatives, c’est-à-dire douées de la propriété de suppléer les objets, d’offrir leur simulacre, de contenir la copie de leurs manières d’être, de rendre possibles en leur absence les opérations qu’on ferait en leur présence, de subir les opérations qu’on ferait sur eux. Ce n’est point là une hypothèse inventée, comme le veut M. Royer-Collard, c’est un fait constaté. Cette propriété représentative n’est point une supposition gratuite de quelques philosophes ; c’est une découverte nécessaire que chaque homme, chaque jour, fait en soi-même. Ces idées représentatives ne sont pas des choses distinctes de nos pensées ; elles sont nos pensées mêmes. Toute idée est une représentation. La puissance de représenter est si véritable, qu’elle est la puissance même de penser.

Pour rendre cette vérité sensible, prenons une idée sensible. Vous voilà au coin du feu, les rideaux tirés, les pieds au feu, auprès d’une lampe, rêvant un peu, et vous figurant une forêt. Au printemps, que les clairières sont belles ! Les jolies têtes des bouleaux se lèvent là-bas frissonnant, et leur bouquet de molle verdure se détache sur le bleu tendre du ciel, entre les flocons de nuages moites qui traînent en s’évaporant sur la forêt. Les vieux taillis de chênes montent au fond en colonnades. Sur le labyrinthe des rameaux bruns, on voit déjà courir des rougeurs douteuses. Les