Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/67

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mène par l’illusion à la vérité, qui trompe l’homme pour l’instruire, et, par les fantômes du dedans, lui révèle les substances du dehors[1].

En quoi consistent ces simulacres ? Quelle force les forme, les accommode à la nature des objets extérieurs, les enchaîne entre eux, les attache à la sensation ? Par quelle mécanique admirable la nature tire-t-elle la vérité de l’erreur ? Comment naissent ces trompeurs dont le mensonge est véridique ? Qui nous assure de leur véracité ? Quelles raisons avons-nous pour nous fier à des témoignages d’imposteurs et pour affirmer un dehors inaccessible ? Il faudrait un traité dogmatique pour répondre. Je ne suis ici que critique ; mon unique but était de prouver que M. Royer-Collard, à l’exemple de Reid et avec plus de force, a traité d’hypothèse gratuite un fait certain, qu’il a détruit des découvertes fécondes, et décrié des vérités visibles, qu’il a réduit la théorie de la perception extérieure à l’énumération inutile de deux faits dénués de nouveauté et d’importance ; qu’au lieu d’une psychologie accrue il n’a eu qu’une psychologie absente, et que, dans son ardeur pour disci-

  1. Cette théorie est si naturelle, que M. Royer-Collard l’accepte en partie, lorsqu’il forme l’idée de la substance, de la durée, de la cause extérieure et corporelle, avec l’idée de la substance, de la durée, de la cause humaine et personnelle.