Page:Taine - Les Philosophes classiques du XIXe siècle en France, 1868.djvu/95

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psychologues que la volonté, bien loin de remuer le muscle, ne tend pas même à le remuer. Son objet n’est point la contraction du muscle, mais la sensation musculaire. Vous avez beau regarder votre bras, connaître les muscles convenables, leur donner ordre, vouloir atteindre le but, si vous ne voulez rien d’autre, vous n’atteindrez pas le but avec cette pierre. Il faut encore que, par expérience fréquente et tâtonnements répétés, vous découvriez l’espèce et le degré exact de sensation musculaire dont vous aurez besoin pour l’atteindre avec la pierre. Il faut aussi que par des comparaisons nombreuses vous ayez distingué cette sensation de tous les autres, et que vous en considériez l’idée précise. Il faut enfin que vous vouliez éprouver cette sensation ; ce n’est point le mouvement qui est l’objet propre de votre volonté, c’est elle. Alors seulement le cerveau agit, la moelle communique l’action, le nerf la transmet, le muscle se contracte, le tendon tire, l’os se déplace, le membre se meut, et la pression des chairs vous donne la sensation commandée. Vous êtes comme un joueur de billard qui vise la bande pour toucher une bille par ricochet ; vous avez visé à la sensation du nerf pour atteindre la contraction du muscle. Partout, au moral et au physique, vous ne commandez qu’à des intermédiaires. L’action de la volonté ne porte point sur le muscle, mais sur le cerveau ; l’objet de la volonté