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Page:Taine - Sa vie et sa correspondance, t. 4, 1907.djvu/16

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CORRESPONDANCE

masse de notes prises durant l’hiver, et sentant peu à peu se former dans son esprit, à la place de l’image officielle à laquelle « il avait cru comme les autres[1] », cette conception de la Révolution à laquelle aboutit son grand ouvrage, « en dehors de toute intention ou arrière-pensée politique ». Labeur énorme, poursuivi méthodiquement dans le calme cadre savoyard, interrompu parfois des semaines durant par la fatigue et l’épuisement.

Durant l’hiver 1876-1877, M. Taine, afin de réserver toutes ses forces à son travail, demanda à se faire suppléer dans son cours à l’École des Beaux-Arts par M. Georges Berger.

La crise du 16 mai le troubla profondément : dés le premier jour il avait perçu ce que cette tentative désespérée de réaction contre les périls de gauche devait rencontrer d’obstacles. Vivant en dehors de tout parti et de toute action politique, il était particulièrement à même de juger des possibilités, et son esprit lucide mesurait déjà tout ce qu’avait d’irrésistible la marée grondante et montante de la démocratie. Personnellement il répugnait au gouvernement par les masses, et ses études historiques ne faisaient qu’accroître cette répugnance ; mais le 16 mai lui apparut connue devant accentuer irrémédiablement le malentendu entre la classe cultivée et les classes inférieures. La préoccupation et la tristesse des choses publiques, firent cet été-là, sur M. Taine leur effet habituel, il se vit forcé d’interrompre son travail, et de se borner à la préparation d’une nouvelle édition de l’Intelligence. La mort subite, à Londres, de son beau-frère, M. Chevrillon, vint encore ajouter à sa tristesse et à ses fatigues.

Il se décida alors à publiera part et en un premier volume tout ce qu’il avait d’écrit sur la Révolution, c’est-à-dire les trois premiers livres. Primitivement, M. Taine comptait


    2 juillet 1876, et recueilli dans les Derniers Essais de Critique et d’Histoire.

  1. Voir lettre à E. Havel du 22 décembre 1881.