Page:Taine - Voyage en Italie, t. 1, 1874.djvu/163

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la vie vague et presque divine d’un fleuve. Un corps divin, ces deux mots, dans une langue moderne, hurlent d’être accouplés ensemble, et c’est l’idée mère de la civilisation antique. — Derrière lui sont de charmants jeunes athlètes tout jeunes, ayant en main leur fiole d’huile ; l’un d’eux, qui n’a guère que treize ans, est le Lysis ou le Ménexène de Platon.

De temps en temps, on déterre des inscriptions qui mettent en lumière ces habitudes et ces sentiments si éloignés des nôtres. En voici une, publiée cette année même sur un jeune athlète de Théra, et trouvée sur le piédestal de son effigie. Les quatre vers ont la beauté, la simplicité, la force d’une statue : « La victoire pour le pugile est au prix du sang ; mais cet enfant, le souffle encore chaud de la rude bataille du pugilat, demeura ferme pour le lourd labeur du pancrace, et la même aurore a vu Dorocléides deux fois couronné. »

Mais il faut songer au mal en même temps qu’au bien. L’amour que suggérait la vie des gymnases est une perversion de la nature humaine ; à cet égard, les récits de Platon sont exorbitants. De même encore ces mœurs antiques qui dans l’homme respectent l’animal, développent par contre-coup l’animal dans l’homme : là-dessus Aristophane est scandaleux. Nous nous croyons gâtés parce que nous avons des romans crus ; que dirions-nous si l’on jouait sa Lysistrata sur un de nos théâtres ? Heureusement ce que la sculpture montre de ce monde singulier, c’est la beauté toute seule. Une canéphore debout, à l’entrée du Braccio-Nuovo, est semblable à celle du Parthénon, quoique d’un travail secondaire. Quand une fille des premières familles n’avait pour vêtement, comme celle-ci, qu’une chemise