Page:Taine - Voyage en Italie, t. 1, 1874.djvu/164

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

et par-dessus une demi-chemise, quand elle avait l’habitude de porter des vases sur sa tête et par suite de se tenir droite ; quand pour toute toilette elle retroussait ses cheveux ou les laissait tomber en boucles ; quand le visage n’était pas plissé par les mille petites grâces et les mille petites préoccupations bourgeoises, une femme pouvait avoir la tranquille attitude de cette statue. — Aujourd’hui il en reste un débris dans les paysannes des environs qui portent leurs corbeilles sur la tête, mais elles sont gâtées par le travail et les haillons. — Le sein paraît sous la chemise ; la tunique colle et visiblement n’est qu’un linge ; on voit la forme de la jambe qui casse l’étoffe au genou ; les pieds apparaissent nus dans les sandales. Rien ne peut rendre le sérieux naturel du visage. Certainement, si l’on pouvait revoir la personne réelle avec ses bras blancs, ses cheveux noirs, sous la lumière du soleil, les genoux plieraient, comme devant une déesse, de respect et de plaisir.

Qu’on regarde une statue toute voilée, par exemple celle de la Pudicité : il est évident que le vêtement antique n’altère pas la forme du corps, que les plis collants ou mouvants reçoivent du corps leurs formes et leurs changements, qu’on suit sans peine à travers les plis l’équilibre de toute la charpente, la rondeur de l’épaule ou de la hanche, le creux du dos. L’idée de l’homme n’est pas alors, comme chez nous, celle d’un esprit pur ou impur, plus un paletot de Dusautoy ou une robe d’Alexandrine : c’est celle d’une poitrine, d’un dos, d’un emmanchement des muscles, d’une échine avec ses vertèbres saillantes, des tendons du cou, d’une jambe roidie depuis le talon jusqu’aux reins. On a dit