Page:Taine - Voyage en Italie, t. 1, 1874.djvu/187

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et vous savez tendre vos muscles ; mais vous ne savez pas votre métier. Pour un roi Hérode, les tristes bourreaux que vous faites ! Quant aux mères, elles n’aiment pas leurs enfants, elles se sauvent avec tranquillité ; si elles crient, c’est modérément ; elles auraient trop peur de déranger l’harmonie de leurs attitudes. Mères et bourreaux, c’est une assemblée de figurants calmes qui s’encadrent devant un pont entre des fabriques. — J’ai retrouvé la même chose à Hampton-Court dans les fameux cartons ; les apôtres qui foudroient Ananias s’avancent jusqu’au rebord de l’estrade comme un chœur d’opéra au cinquième acte.

On redescend, et de nouveau on va se planter devant les fresques des chambres, par exemple devant l’Incendie du Borgo. Pauvre incendie et bien peu terrible ! Il y a quatorze personnes à genoux sur l’escalier, voilà une foule ; ces gens-là ne s’écraseront pas, d’ailleurs ils se remuent sans se presser. En effet, ce feu ne brûle pas ; comment brûlerait-il, n’ayant pas de bois à dévorer, étouffé comme il est par des architectures de pierre ? Il n’y a pas d’incendie ici, mais seulement deux rangées de colonnes, un large escalier, un palais dans le fond, et des groupes répandus çà et là, à peu près comme les paysans qui en ce moment s’asseyent et se couchent sur les marches de Saint-Pierre. Le personnage est un jeune homme bien nourri, suspendu par les deux bras et qui trouve le temps de faire de la gymnastique. Un père sur la pointe des pieds reçoit son enfant que la mère lui tend du haut d’une muraille ; ils seraient à peu près aussi inquiets s’il s’agissait d’un panier de légumes. Un homme porte son père sur ses épaules, son fils nu est à côté de lui, et sa femme suit :