écrit : « Le gouvernement est aussi mauvais qu’il est possible de s’en figurer un à plaisir. Imaginez ce que c’est qu’un peuple dont le tiers est de prêtres, le tiers de gens qui ne travaillent pas, où il n’y a ni agriculture, ni commerce, ni fabriques, au milieu d’une campagne fertile et sur un fleuve navigable, où à chaque mutation on voit arriver des voleurs tout frais qui prennent la place de ceux qui n’ont plus besoin de prendre. »
En pareil pays, travailler est une duperie ; pourquoi me donnerais-je de la peine, sachant que le fisc ou tel grand, tel coquin bien protégé, m’enlèveront le fruit de ma peine ? Il vaut bien mieux aller au lever du valet de chambre d’un dignitaire ; il m’obtiendra une part au gâteau. « Quand une fille du commun a la protection du bâtard de l’apothicaire d’un cardinal, elle se fait assurer cinq ou six dots à cinq ou six églises, et ne veut plus apprendre ni à coudre ni à filer ; un autre gredin l’épouse par l’appât de cet argent comptant, » et ils vivent sur le commun ; plus tard, entremetteurs, solliciteurs, mendiants, ils pécheront leur diner où ils pourront. La vie noble commence, telle que la décrivent les romans picaresques, non pas seulement à Rome, mais dans toute l’Italie. On tient à déshonneur de travailler et l’on veut faire figure ; on a des gens et on oublie de payer leurs gages ; on dîne d’un navet et on étale un jabot de dentelles ; on prend à crédit chez les marchands et on les éconduit à force de supplications et de mensonges. Les comédies de Goldoni sont pleines de ces personnages bien nés, d’esprit cultivé, demi-escrocs et qui vivent aux dépens d’autrui ; ils se font inviter à la campagne, ils sont toujours gais, égrillards,