Page:Taine - Voyage en Italie, t. 1, 1874.djvu/306

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sainte qui procurent l’indulgence plénière, puis les pratiques d’efficacité moindre par lesquelles on gagne dix années d’indulgence applicables à autrui et partant transmissibles. À quoi un moine ordinaire peut-il songer ici, sinon à s’approvisionner de pardons ? C’est un gros capital à gagner ; s’il a des amis, un neveu, un filleul, un vieux père mort, il leur fera cadeau de son surplus. Tout son souci doit être de bien employer son temps, de choisir les chapelles les plus fructueuses, de faire le plus de génuflexions et de récitations qu’il pourra. S’il est bon ménager et assidu, il rachètera cinq ou six âmes outre la sienne. Le grand saint Liguori, le théologien le plus accrédité du dernier siècle, avait ce principe : un chrétien zélé est à peu près certain d’éviter l’enfer ; mais comme nul n’est exempt de péché, il est à peu près certain de ne pas éviter le purgatoire : donc, s’il est sensé, il ajoutera tous les jours à son capital d’indulgences. Mettons qu’il gagne cent jours seulement aujourd’hui, — et il le peut par une seule prière, — il sortira du purgatoire trois mois et dix jours plus tôt.

Faute de débouchés et par pauvreté, les paysans doivent fournir des recrues, et, une fois moines, thésauriser en matière d’indulgences comme un campagnard en matière d’écus ; l’occupation est appropriée à leur condition, à leur éducation et à leur intelligence. En outre ils sortent, et pour cinq sous accompagnent les enterrements. Comme l’ordre a gardé quelque chose de son ancien esprit populaire, ils vont visiter les bonnes femmes, indiquent des remèdes, enseignent des oraisons, donnent des amulettes ; de plus, ils offrent une prise de tabac et enseignent la recette d’une cer-