Page:Taine - Voyage en Italie, t. 1, 1874.djvu/328

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Tibre jaune roule entre des restes de piles, près de grands bâtiments blafards, devant des rues mornes et mortes. — En revenant de San-Pietro in Montorio, j’ai trouvé un quartier indescriptible, horribles rues et ruelles infectes, pentes raides bordées de bouges, corridors graisseux peuplés de cloportes humains, vieilles femmes jaunes ou plombées qui fixent sur le passant leurs yeux de sorcières, enfants qui s’accroupissent en pleine sécurité à la façon des chiens et les imitent sur le pavé sans vergogne, chenapans drapés dans leur guenille rousse qui fument inclinés contre le mur, cohue sale et fourmillante qui se presse aux boutiques de friture. Du haut en bas de la rue, les ruisseaux dégringolent dans les débris de la cuisine, rayant de leur fange noirâtre les pavés pointus. Au bas est le pont San-Sisto : le Tibre n’a point de quais, et les taudis suintants y trempent leurs escaliers effondrés, comme autant de torchons terreux lavés dans la bourbe. Dorures et taudis, mœurs et physionomies, gouvernement et croyances, présent et passé, tout cela se tient, et au bout d’un instant on sent toutes ces dépendances.