Page:Taine - Voyage en Italie, t. 1, 1874.djvu/370

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subissent l’ascendant. Au fond d’une tragédie ou d’une métaphysique, cherchez l’intention de l’auteur, vous verrez qu’il n’a songé qu’à prêcher la république ou la monarchie, la fédération ou l’unité.

Ils disent que l’occupation française a rendu le gouvernement pire que jamais. Jadis il avait quelques ménagements, il s’arrêtait à mi-chemin dans l’injustice ; aujourd’hui, appuyé sur une garnison de dix-huit mille hommes, il ne craint plus les mécontents. Aussi personne ne doute que le jour où les Français partiront ne soit le dernier jour de la souveraineté papale.

Je tâche de me faire marquer nettement la limite et l’étendue de cette oppression. Elle n’est pas violente, atroce, comme celle des rois de Naples ; au sud, l’ancienne tyrannie espagnole avait laissé des habitudes de cruauté : il n’en est point de même à Rome. On n’y prend pas un homme tout d’un coup pour le mettre au fond d’une basse fosse, lui jeter tous les matins un seau d’eau glacée sur le corps, le torturer et l’hébéter. Mais s’il est libéral et mal noté, la police fait une descente chez lui, saisit ses papiers, fouille ses meubles et l’emmène. Au bout de cinq ou six jours, une sorte de juge d’instruction l’interroge ; d’autres interrogatoires suivent, les écritures font une liasse qui, après beaucoup de longueurs, est mise aux mains des juges proprement dits. Ceux-ci l’étudient non moins longuement ; tel est resté trois mois prisonnier sur prévention, un autre, six mois. Le procès s’ouvre ; il est censé public, mais ne l’est pas : le public reste à la porte, on admet trois ou quatre spectateurs, gens connus, éprouvés, et qui entrent avec des billets. — D’autre part, la police profite des accidents. Il y a quinze jours, à sept heures du