Page:Taine - Voyage en Italie, t. 1, 1874.djvu/410

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Au point de vue pittoresque, l’effet est tout autre. Ainsi remplie et mesurée par la foule, l’église devient colossale ; cette fourmilière de peuple qui remue et ondoie la rend vivante comme un tableau. Les grandes chutes de lumière qui tombent du dôme font çà et là, au milieu des marbres, des pluies de rayons et de blancheurs éblouissantes. Le grand baldaquin qui tord dans le lointain ses colonnes fauves parmi des nuages d’encens, l’harmonie vague des chants adoucis par la distance, la magnificence des décorations et des marbres, le peuple de statues qui s’agite indistinctement dans l’ombre, l’assemblage et l’accord de tant de formes monumentales et de tant de rondeurs grandioses, tout concourt à faire de cette fête un chant de triomphe et de réjouissance ; je voudrais y entendre la prière de Moïse, de Rossini, par trois cents chanteurs et un orchestre.



Mercredi. Miserere, à la Sixtine.


Trois heures debout, et tous les hommes sont debout. Les deux premières heures se passent, quelques-uns n’y tiennent plus et s’en vont. Tous les corps sont serrés comme dans un étau. Les visages jaunissent, rougissent, se griment ; on pense aux damnés de Michel-Ange. Les pieds rentrent dans les mollets, les cuisses dans les hanches, les reins sont courbaturés ; heureux qui trouve une colonne ! Plusieurs tâchent d’atteindre leur mouchoir pour s’essuyer le front, d’autres essayent inutilement de préserver leur chapeau. On n’aperçoit rien qu’une forêt de têtes. La foule pousse à la porte, et de