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Page:Taine - Voyage en Italie, t. 2, 1876.djvu/45

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femmes. Après la paix de Villafranca, des Français logés près de Peschiera disent à leurs hôtes : « Eh bien ! vous restez Autrichiens, c’est dommage ! » La jeune fille de la maison ne comprend pas au premier instant ; puis, quand elle a compris, elle lève les deux mains, et avec des yeux enflammés demande à ses frères s’ils ont des fusils, s’ils sont des hommes. « Jamais, disait l’officier, je n’ai vu une expression si ardente et si sublime. Ses frères secouent la tête, et répondent avec la patience discrète de l’Italien : « Qu’y a-t-il à faire ? »

Ce manque d’énergie a contribué beaucoup à précipiter la paix. L’empereur Napoléon disait à M. de Cavour : « Vous m’aviez promis deux cent mille hommes, soixante mille Piémontais et cent quarante mille Italiens. Vous me donnez trente-sept mille soldats, je vais être obligé de faire venir cent mille Français de plus. » Quand le protégé ne s’aide pas, le protecteur s’inquiète, se dégoûte, et la guerre est enrayée tout d’un coup. À force de plier, l’Italien a perdu la faculté de résister à la force ; sitôt que vous vous mettez en colère, il s’étonne, il s’alarme, il cède, il vous croit fou (matto). C’est par ce procédé que le fougueux M. de Mérode a gagné son ascendant dans le sacré collège. Or, quand un peuple ne sait pas se battre, son indépendance n’est que provisoire ; il vit par grâce ou par accident.

C’est pourquoi, disent-ils, le Piémont a eu grand tort de céder à l’opinion, de prendre Naples ; il s’est affaibli d’autant ; il y gâte son armée à force de recevoir de mauvais soldats dans ses cadres. Aujourd’hui, s’il est maître là-bas, c’est comme Championnet, Ferdinand, Murat, et tous ses prédécesseurs : avec dix mille soldats, on est toujours maître de Naples ; mais à la moindre