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Page:Taine - Voyage en Italie, t. 2, 1876.djvu/48

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marades de Hoche, sergent en 89 aux gardes-françaises, avaient le même ton et tenaient des discours pareils.

À Foligno, dans un petit café, je veux payer avec des baïoques ; le cafetier n’en veut pas. « Non, signor, cette monnaie-là ne vaut plus rien ici ; nous ne voulons rien de Rome. Que tous les prêtres s’en aillent, que le pape aille en paradis ! Cela sera mieux pour nous. Il est malade ; eh bien ! qu’il finisse vite ! » Tout cela rudement, parmi les rires de la femme et de cinq ou six ouvriers qui étaient là, — Un véritable intérieur de jacobins, comme en 90.

Hier, en voiturin, trois heures de conversation avec mes deux voisins, l’un ferblantier-lampiste à Pérouse, l’autre paysan et fabricant de tuiles. Le premier est un industriel aisé ; il est allé en députation à Turin auprès de Victor-Emmanuel ; c’est un partisan passionné de l’Italie. Son fils, qui avait fait ses études et apprenait la peinture, s’est engagé, et sert avec le grade de sergent contre les brigands de Calabre. Le fabricant de tuiles a dix neveux dans l’armée. Ils ne tarissaient pas, et m’ont donné des détails infinis.

Selon eux, tout va bien. Sur vingt personnes, il y en a quinze pour le gouvernement, quatre pour le pape et un républicain. Les républicains ont tout à fait perdu pied, on les regarde comme des chimériques (fantastici). De jour en jour, les paysans se rapprochent du gouvernement, déjà ils font la chasse aux conscrits réfractaires (renitenti), et les ramènent. Ils ont eu de la peine à s’habituera la conscription, mais ils s’y habituent. À l’armée, les jeunes gens mangent bien, reviennent forts, allègres, avec une tournure martiale ;