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Page:Taine - Voyage en Italie, t. 2, 1876.djvu/61

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d’heure après, l’ecclésiastique va se promener ; la première personne qu’il rencontre lui dit : « C’est donc vrai, vous avez un journal français ? » La seconde personne fait de même. Le bruit s’était répandu en un instant, comme un rayon de lumière dans une chambre de cloportes.

Une ville ainsi conservée est comme un Pompéi du moyen âge. On monte et l’on descend dans de hautes rues étroites, pavées de dalles, bordées de maisons monumentales. Quelques-unes ont encore leur tour. Aux environs de la Piazza, elles se suivent en files, alignant leurs énormes bossages, leurs porches bas, leurs étonnantes masses de briques percées de rares fenêtres. Plusieurs palais semblent des bastions. La Piazza en est bordée, et nul spectacle n’est plus propre à mettre devant l’imagination les mœurs municipales et violentes des anciens temps. Celte place est irrégulière de forme et de niveau, étrange et frappante comme toutes les choses naturelles que n’a point déformées ou réformées la discipline administrative. En face, s’étale le Palazzo Publico, massif hôtel de ville, bon pour résister aux coups de main et jeter les proclamations à la foule assemblée sur la place. On en a lancé bien des fois par ces fenêtres ogivales, et aussi des corps d’hommes tués dans les séditions. Une bordure de créneaux le hérisse ; la défense, en ce temps-là, se rencontre sous l’ornement. À sa gauche, une tour gigantesque élève à une hauteur prodigieuse sa forme svelte et son double renflement de créneaux ; c’est la tour de la cité qui plante à la cime son saint, son drapeau, et parle de loin aux cités voisines. Au pied la fontaine Gaja, qui pour la première fois au XIVe siècle, parmi les cris de joie universels, ap-