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Page:Taine - Voyage en Italie, t. 2, 1876.djvu/65

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le rénovateur de la sculpture[1]. Quoi de plus précieux que ces premières œuvres de la pensée moderne ? Ce sont là nos vrais ancêtres, et l’on peut savoir de quelle façon, à cette aurore, ils ont compris l’homme que nous continuons aujourd’hui ; car lorsqu’un artiste invente un type, c’est comme s’il exprimait avec des chairs et des os son idée de la nature humaine ; et, cette idée une fois populaire, tout le reste suit. — Je n’ai pas de paroles pour dire l’originalité et l’abondance de l’invention qui éclatent dans cette chaire ; elle est étrange autant que belle. Les piédestaux sont des lionnes qui tiennent chacune un agneau dans leur gueule ou que leurs petits tètent ; on reconnaît le fond symbolique et bizarre du moyen âge ; mais du corps de ces lionnes partent huit petites colonnes blanches et pures, qui s’épanouissent en un riche bouquet de fleurons du goût le plus neuf, et qui se rejoignent par des trèfles portant ensemble une sorte d’arche ou de coffre à huit pans, de la forme la plus simple et la plus naturelle. Sur l’entablement de chaque colonne, une femme est assise ; plusieurs ont sur la tête une couronne d’impératrice, toutes tiennent de petits enfants qui leur parlent à l’oreille. On oublie qu’elles sont de pierre, tant leur expression est vive ; elle est plus marquée que dans les antiques. Dans cette joie de l’invention primitive, on est si ravi des idées subitement entrevues qu’on y insiste avec excès ; c’est un tel plaisir que d’apercevoir pour la première fois une âme et l’attitude qui manifeste cette âme ! On n’avait pas encore beaucoup d’idées en ce temps-là, et on n’en étreignait que plus fortement celles

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