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Page:Tallemant des Réaux - Historiettes, Mercure de France, 1906.djvu/116

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choisit un : « Me sied-il bien, Bois-Robert ? — Oui, mais il vous siéroit encore mieux s’il étoit de la couleur du nez de votre aumônier. » C’étoit M. Mulot, alors présent, qui depuis ne le pardonna jamais à Bois- Robert. Une fois ce pauvre M. Mulot, qui aimoit le bon vin, en attendant l’heure d’un déjeuner, alla à la messe à l’Oratoire. Par malheur c’étoit M. de Bérulle, depuis cardinal, qui la disoit, et qui, avant que de consacrer, s’amusa à faire je ne sais combien de méditations. Mulot enrageoit, car il voyoit bien que tout seroit mangé. Enfin, après que tout fut dit il s’en va tout furieux trouver M. de Bérulle : « Vraiment, lui dit-il, vous êtes un plaisant homme de vous endormir comme cela sur le calice : allez, vous n’en valez pas mieux pour cela. »

Pour divertir le cardinal et contenter en même temps l’envie qu’il avoit contre le Cid, il le fit jouer devant lui en ridicule par les laquais et les marmitons. Entre autres choses, en cet endroit où don Diègue dit à son fils :

Rodrigue, as-tu du cœur  ?

Rodrigue, répondoit :

Je n’ai que du carreau.

On ne sauroit faire plus plaisamment un conte qu’il le fait ; il n’y a pas un meilleur comédien au monde. Il est bien fait de sa personne. Il dit qu’une fois, par plaisir, le cardinal en particulier leur ordonna à lui et à Mondory de pousser une passion, et que le cardinal trouva qu’il avoit mieux fait que le plus célèbre comédien qui ait peut-être été depuis Roscius.

Il fut pourtant disgracié une fois pour longtemps, et il ne profita guère de son rétablissement. Voici comme j’en ouïs conter l’histoire : à une répétition dans la petite salle, de la grande comédie que le cardinal fit jouer, Bois-Robert à qui il avoit donné charge de ne convier que des comédiens,